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Catégorie : Styles

Le kathakali est l’expression théâtrale la plus connue et sans doute la plus spectaculaire de l’Inde. Ses sources remontent non seulement aux théâtres kutiyattam et krishnattam, mais également à différentes formes de rituel spectaculaire d’offrande votive propres au Kerala comme le mutiyettu et le teyyam. Les thèmes du kathakali sont toujours empruntés aux épopées du Ramayana et du Mahabharata, ainsi qu’aux Purâna, les chroniques de l’Inde ancienne.

Danse de l'Inde : Le Kathalali

Afin de représenter les dieux et les démons mythologiques avec une force expressive maximale, le kathakali use de puissants artifices théâtraux, particulièrement développés en ce qui concerne l’apparence des personnages, d’autant plus qu’ils sont muets. La narration de l’intrigue est en effet entièrement dévolue aux récitants-chanteurs, alors que la tension dramatique est rehaussée par le jeu des tambours. L’expressivité des rôles est ainsi manifestée de façon exclusivement visuelle, selon une symbolique savamment codifiée, qui s’exprime par un langage des gestes, de la danse et des comportements stylisés très élaboré, par des costumes magnifiques aux couleur vives et par un art du maquillage unique, qui donne aux héros une apparence proprement surhumaine, aussi éloignée que possible de la réalité ordinaire. Le respect de ces conventions permet au spectateur averti d’identifier les personnages selon une typologie révélant les mérites et qualités (guna) de chacun à partir de trois tendances fondamentales de l’être humain qui, selon la philosophie indienne, sont les suivantes : sattva, la pureté, la vertu, la bonté et le caractère spirituel et lumineux, tendance "ascendante" représentée par le dieu Vishnu ; rajas, les passions, l’activité et l’énergie "rayonnante" manifestée par Brahmâ ; enfin tamas, la passivité, les forces obscures et "descendantes" liées à Shiva sous son aspect destructeur.

L’importance du maquillage est prédominante, tant son effet transforme l’acteur ; extrêmement long et précis – il peut durer de quatre à cinq heures –, il est en soi un rituel préliminaire, qui fait progressivement entrer l’interprète dans la peau du personnage. Officiant d’une cérémonie plus que protagoniste, l’acteur s’efface complètement derrière le personnage qu’il incarne et l’archétype, céleste, héroïque ou chthonien, que celui-ci représente. Chaque couleur, chaque pâte, chaque onguent est patiemment appliqué par des experts, selon une symbolique et un ordre précis, contribuant à l’efficacité de la métamorphose. La couleur verte représente ainsi de façon générale les personnages nobles et vertueux, comme Krishna, Arjuna ou Rama et ses frères ; le rouge indique ceux qui, bien que pouvant posséder un caractère héroïque, sont gouvernés par leurs passions, leur arrogance et leur égocentrisme, tels Ravana ou Duryodhana ; le noir est pour sa part réservé aux démons et aux êtres vils et méprisables qui peuplent les récits mythologiques. Pour certains personnages, le maquillage est en outre complété par différents accessoires destinés à modifier la forme du visage, notamment une sorte de postiche confectionné à partir d’une pâte blanche appelée chutti. Faite d’une poudre de riz, de chaux et de coquillage pilé mélangée à de l’eau, cette pâte est appliquée sur le maxillaire inférieur de l’acteur. Quant aux personnages féminins, on utilise la plupart du temps les teintes ocre ou safran pour leur maquillage. Toutes sortes de nuances interviennent ensuite afin de distinguer chacun des personnages apparaissant dans une représentation ; l’association de deux couleurs maîtresses sur un visage peut par exemple indiquer la duplicité ou l’aspect conflictuel d’un caractère.

Le maquillage du kathakali
Une des spécificités du kathakali est indéniablement le maquillage de ses interprètes dont la complexité est liée à un code très strict qui suit cinq règles assocées à la nature du rôle à savoir : pacha (vert), kathi (couteau), kari (noir), thaadi (barbe) et Minukku (brillant). Thaadi étant lui-même décomposé en trois sous-catégories : chuvanna thaadi (barbe rouge), vella thaadi (barbe blanche) et karutha thaadi (barbe noire).

 

Danse de l'Inde : Le Kathalali
Un acteur de kathakali en cours de maquillage

Le costume des principaux personnages masculins est constitué d’un ample manteau aux teintes vives, d’une jupe très évasée faite de larges bandes de couleur horizontales sur un fond généralement blanc, d’une coiffe splendide comportant une couronne et parfois une auréole aux couleurs scintillantes, ainsi que de divers ornements et attributs, spécifiques à chacun, tels que faux ongles, colliers, bracelets, pompons, arc ou sceptre. Au Kerala, la représentation a lieu en plein air, parfois sur le parvis d’un temple, et dure une nuit entière. L’appel des tambours convie l’assemblée alors qu’une grande lampe à huile est allumée au centre de l’espace scénique, dont elle constituera l’unique éclairage et le point focal de l’action dramatique. Le jeu des percussions se prolonge ensuite de façon insistante, contribuant en quelque sorte à mettre les participants dans un état second et à rompre leur perception du temps ordinaire pour favoriser leur accès au temps sacralisé du spectacle. Cette ritualisation de l’espace et du temps est la double condition nécessaire à la manifestation du mythe par la magie du théâtre.

Le décor n’existe pas dans le kathakali, et les différents espaces où se déroule l’action sont simplement suggérés par le jeu des acteurs. L’unique accessoire scénique est un rideau, tenu par deux hommes au centre de la scène, derrière la lampe ; après un prélude de bon augure et une sonnerie de conque, les premiers personnages apparaissent de derrière le rideau. Il s’agit souvent d’un couple d’amants divins qui, après une scène d’amour plus ou moins conventionnelle, introduisent progressivement l’épisode choisi pour la représentation. Les acteurs n’ayant pas la parole, leur interaction avec les musiciens, et en particulier avec le chanteur principal, est capitale et constante. C’est ce dernier qui conduit le déroulement de chaque scène, laquelle ne peut avoir lieu avant d’avoir été proférée. Chaque phrase du texte chanté est ensuite répétée autant de fois qu’il est nécessaire jusqu’à son plein accomplissement par l’acteur ou les acteurs concernés. Ceux-ci expriment le texte au moyen de gestes, d’expressions de visage et de postures corporelles conventionnelles, qui constituent un langage aux ressources illimitées, véritable matière première d’une des expressions théâtrales les plus magistrales qui soient.

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